Tales of Mystery and Imagination

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Honoré de Balzac: L'Elixir de Longue Vie

Honoré de Balzac



Dans un somptueux palais de Ferrare, par une soirée d'hiver, don Juan Belvidéro régalait un prince de la maison d'Este. À cette époque, une fête était un merveilleux spectacle que de royales richesses ou la puissance d'un seigneur pouvaient seules ordonner. Assises autour d'une table éclairée par des bougies parfumées, sept joyeuses femmes échangeaient de doux propos, parmi d'admirables chefs-d'oeuvre dont les marbres blancs se détachaient sur des parois en stuc rouge et contrastaient avec de riches tapis de Turquie. Vêtues de satin, étincelantes d'or et chargées de pierreries qui brillaient moins que leurs yeux, toutes racontaient des passions énergiques, mais diverses comme l'étaient leurs beautés. Elles ne différaient ni par les mots ni par les idées ; l'air, un regard, quelques gestes ou l'accent servaient à leurs paroles de commentaires libertins, lascifs, mélancoliques ou goguenards.
L'une semblait dire : «Ma beauté sait réchauffer le coeur glacé des vieillards.»
L'autre : «J'aime à rester couchée sur des coussins, pour penser avec ivresse à ceux qui m'adorent.»
Une troisième, novice de ces fêtes, voulait rougir : «Au fond du coeur je sens un remords ! disait-elle. Je suis catholique et j'ai peur de l'enfer. Mais je vous aime tant, oh ! tant et tant, que je puis vous sacrifier l'éternité.»
La quatrième, vidant une coupe de vin de Chio, s'écriait : «Vive la gaieté ! Je prends une existence nouvelle à chaque aurore ! Oublieuse du passé, ivre encore des assauts de la veille, tous les soirs, j'épuise une vie de bonheur, une vie pleine d'amour»
La femme assise auprès de Belvidéro le regardait d'un oeil enflammé. Elle était silencieuse. «Je ne m'en remettrais pas à des bravi pour tuer mon amant, s'il m'abandonnait !» Puis elle avait ri, mais sa main convulsive brisait un drageoir d'or miraculeusement sculpté.
- Quand seras-tu grand-duc ? demanda la sixième au prince avec une expression de joie meurtrière dans les dents, et du délire bachique dans les yeux.
- Et toi, quand ton père mourra-t-il ? dit la septième en riant, en jetant son bouquet à don Juan par un geste enivrant de folâtrerie. C'était une innocente jeune fille accoutumée à jouer avec toutes les choses sacrées.
- Ah ! ne m'en parlez pas, s'écria le jeune et beau don Juan Belvidéro, il n'y a qu'un père éternel dans le monde, et le malheur veut que je l'aie !
Les sept courtisanes de Ferrare, les amis de don Juan et le prince lui-même jetèrent un cri d'horreur. Deux cents ans après et sous Louis XV, les gens de bon goût eussent ri de cette saillie. Mais peut-être aussi, dans le commencement d'une orgie, les âmes avaient-elles encore trop de lucidité ? Malgré le feu des bougies, le cri des passions, l'aspect des vases d'or et d'argent, la fumée des vins, malgré la contemplation des femmes les plus ravissantes, peut-être y avait-il encore, au fond des coeurs, un peu de cette vergogne pour les choses humaines et divines qui lutte jusqu'à ce que l'orgie l'ait noyée dans les derniers flots d'un vin pétillant ? Déjà néanmoins les fleurs avaient été froissées, les yeux s'hébétaient, et l'ivresse gagnait, selon l'expression de Rabelais, jusqu'aux sandales. En ce moment de silence, une porte s'ouvrit ; et, comme au festin de Balthazar, Dieu se fit reconnaître, il apparut sous les traits d'un vieux domestique en cheveux blancs, à la démarche tremblante, aux sourcils contractés ; il entra d'un air triste, flétrit d'un regard les couronnes, les coupes de vermeil, les pyramides de fruits, l'éclat de la fête, la pourpre des visages étonnés et les couleurs des coussins foulés par le bras blanc des femmes ; enfin, il mit un crêpe à cette folie en disant ces sombres paroles d'une voix creuse : «Monsieur, votre père se meurt.»

Honoré de Balzac: Le Grand d’Espagne

Honoré de Balzac
Balzac by Maxime Dastugue


Lors de l'expédition entreprise en 1823-4, par le roi Louis XVIII, pour sauver Ferdinand VII du régime constitutionnel, je me trouvais, par hasard, à Tours, sur la route d'Espagne.
La veille de mon départ, j'allai au bal chez une des plus aimables femmes de cette ville où l'on sait s'amuser mieux que dans aucune autre capitale de province ; et, peu de temps avant le souper, car on soupe encore à Tours, je me joignis à un groupe de causeurs au milieu duquel un monsieur qui m'était inconnu racontait une aventure.
L'orateur, venu fort tard au bal, avait, je crois, dîné chez le receveur général.
En entrant, il s'était mis à une table d'écarté ; puis, après avoir passé plusieurs fois, au grand contentement de ses parieurs, dont le côté perdait, il s'était levé, vaincu par un sous-lieutenant de carabiniers ; et, pour se consoler, il avait pris part à une conversation sur l'Espagne, sujet habituel de mille dissertations inutiles.
Pendant le récit, j'examinais avec un intérêt involontaire la figure et la personne du narrateur.
C'était un de ces êtres à mille faces qui ont des ressemblances avec tant de types que l'observateur reste indécis, et ne sait s'il faut les classer parmi les gens de génie obscurs ou parmi les intrigans subalternes.
D'abord il était décoré d'un ruban rouge ; or ce symbole trop prodigué ne préjuge plus rien en faveur de personne ; il avait un habit vert, et je n'aime pas les habits verts au bal, lorsque la mode ordonne à tout le monde d'y porter un habit noir ; puis il avait de petites boucles d'acier à ses souliers, au lieu d'un noeud de ruban ; sa culotte était d'un casimir horriblement usé, sa cravate mal mise ; bref, je vis bien qu'il ne tenait pas beaucoup au costume : ce pouvait être un artiste !
Ses manières et sa voix avaient je ne sais quoi de commun, et sa figure, en proie aux rougeurs que les travaux de la digestion y imprimaient, ne rehaussait par aucun trait saillant l'ensemble de sa personne ; il avait le front découvert et peu de cheveux sur la tête.

Honoré de Balzac: Le Réquisitionnaire

Honoré de Balzac


Par un soir du mois de novembre 1793, les principaux personnages de Carentan se trouvaient dans le salon de madame de Dey, chez laquelle l'assemblée se tenait tous les jours. Quelques circonstances qui n'eussent point attiré l'attention d'une grande ville, mais qui devaient fortement en préoccuper une petite, prêtaient à ce rendez-vous habituel un intérêt inaccoutumé. La surveille, madame de Dey avait fermé sa porte à sa société, qu'elle s'était encore dispensée de recevoir la veille, en prétextant d'une indisposition. En temps ordinaire, ces deux événements eussent fait à Carentan le même effet que produit à Paris un relâche à tous les théâtres. Ces jours-là, l'existence est en quelque sorte incomplète. Mais, en 1793, la conduite de madame de Dey pouvait avoir les plus funestes résultats. La moindre démarche hasardée devenait alors presque toujours pour les nobles une question de vie ou de mort. Pour bien comprendre la curiosité vive et les étroites finesses qui animèrent pendant cette soirée les physionomies normandes de tous ces personnages, mais surtout pour partager les perplexités secrètes de madame de Dey, il est nécessaire d'expliquer le rôle qu'elle jouait à Carentan. La position critique dans laquelle elle se trouvait en ce moment ayant été sans doute celle de bien des gens pendant la Révolution, les sympathies de plus d'un lecteur achèveront de colorer ce récit.

Madame de Dey, veuve d'un lieutenant général, chevalier des ordres, avait quitté la cour au commencement de l'émigration. Possédant des biens considérables aux environs de Carentan, elle s'y était réfugiée, en espérant que l'influence de la terreur s'y ferait peu sentir. Ce calcul, fondé sur une connaissance exacte du pays, était juste. La Révolution exerça peu de ravages en Basse-Normandie. Quoique madame de Dey ne vît jadis que les familles nobles du pays quand elle y venait visiter ses propriétés, elle avait, par politique, ouvert sa maison aux principaux bourgeois de la ville et aux nouvelles autorités, en s'efforçant de les rendre fiers de sa conquête, sans réveiller chez eux ni haine ni jalousie. Gracieuse et bonne, douée de cette inexprimable douceur qui sait plaire sans recourir à l'abaissement ou à la prière, elle avait réussi à se concilier l'estime générale par un tact exquis dont les sages avertissements lui permettaient de se tenir sur la ligne délicate où elle pouvait satisfaire aux exigences de cette société mêlée, sans humilier le rétif amour-propre des parvenus, ni choquer celui de ses anciens amis.

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