Tales of Mystery and Imagination

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Auguste Villiers de L'Isle-Adam: Sombre récit, conteur plus sombre

Auguste Villiers de L'Isle-Adam


À Monsieur Coquelin cadet.



Ut declaratio fiat.


J’étais invité, ce soir-là, très officiellement, à faire partie d’un souper d’auteurs dramatiques, réunis pour fêter le succès d’un confrère. C’était chez B***, le restaurateur en vogue chez les gens de plume.

Le souper fut d’abord naturellement triste.

Toutefois, après avoir sablé quelques rasades de vieux Léoville, la conversation s’anima. D’autant mieux qu’elle roulait sur les duels incessants qui défrayaient un grand nombre de conversations parisiennes vers cette époque. Chacun se remémorait, avec la désinvolture obligée, d’avoir agité flamberge et cherchait à insinuer, négligemment, de vagues idées d’intimidation sous couleur de théories savantes et de clins d’yeux entendus au sujet de l’escrime et du tir. Le plus naïf, un peu gris, semblait s’absorber dans la combinaison d’un coup de croisé de seconde qu’il imitait, au-dessus de son assiette, avec sa fourchette et son couteau.

Tout à coup, l’un des convives, M. D*** (homme rompu aux ficelles du théâtre, une sommité quant à la charpente de toutes les situations dramatiques, celui, enfin, de tous qui a le mieux prouvé s’entendre à "enlever un succès"), s’écria :

- Ah ! que diriez-vous, messieurs, s’il vous était arrivé mon aventure de l’autre jour ?

- C’est vrai ! répondirent les convives. Tu étais le second de ce M. de Saint-Sever ?

- Voyons ! si tu nous racontais - mais là, franchement ! - comme cela s’est passé ?

- Je veux bien, répondit D***, quoique j’aie le cœur serré, encore, en y pensant.

Après quelques silencieuses bouffées de cigarette, D*** commença en ces termes (Je lui laisse, strictement, la parole) :

- La quinzaine dernière, un lundi, dès sept heures du matin, je fus réveillé par un coup de sonnette : je crus même que c’était Peragallo. On me remit une carte ; je lus : Raoul de Saint-Sever. - C’était le nom de mon meilleur camarade de collège. Nous ne nous étions pas vus depuis dix ans.

Auguste Villiers de L'Isle-Adam: Le Tueur de Cygnes



« Les cygnes comprennent les signes. »
Victor Hugo.Les Misérables.


À Monsieur Jean MARRAS.


À force de compulser des tomes d’Histoire naturelle, notre illustre ami, le docteur Tribulat Bonhomet avait fini par apprendre que « le cygne chante bien avant de mourir ». — En effet (nous avouait-il récemment encore), cette musique seule, depuis qu’il l’avait entendue, l’aidait à supporter les déceptions de la vie et toute autre ne lui semblait plus que du charivari, du « Wagner ».
— Comment s’était-il procuré cette joie d’amateur ? — Voici :
Aux environs de la très ancienne ville fortifiée qu’il habite, le pratique vieillard ayant, un beau jour, découvert dans un parc séculaire à l’abandon, sous des ombrages de grands arbres, un vieil étang sacré — sur le sombre miroir duquel glissaient douze ou quinze des calmes oiseaux, — en avait étudié soigneusement les abords, médité les distances, remarquant surtout le cygne noir, leur veilleur, qui dormait, perdu en un rayon de soleil.
Celui-là, toutes les nuits, se tenait les yeux grands ouverts, une pierre polie en son long bec rose, et, la moindre alerte lui décelant un danger pour ceux qu’il gardait, il eût, d’un mouvement de son col, jeté brusquement dans l’onde, au milieu du blanc cercle de ses endormis, la pierre d’éveil : — et la troupe à ce signal, guidée encore par lui, se fût envolée à travers l’obscurité sous les allées profondes, vers quelques lointains gazons ou telle fontaine reflétant de grises statues, ou tel autre asile bien connu de leur mémoire. — Et Bonhomet les avait considérés longtemps, en silence, — leur souriant, même. N’était-ce pas de leur dernier chant dont, en parfait dilettante, il rêvait de se repaître bientôt les oreilles ?

Auguste Villiers de L'Isle-Adam: A s'y méprendre

Auguste Villiers de L'Isle-Adam by Carolus  Duran


À Monsieur Henri de Bornier.

« Dardant on ne sait où leurs globes ténébreux. »
C. Baudelaire.

Par une grise matinée de novembre, je descendais les quais d’un pas hâtif. Une bruine froide mouillait l’atmosphère. Des passants noirs, obombrés de parapluies difformes, s’entrecroisaient.
La Seine jaunie charriait ses bateaux marchands pareils à des hannetons démesurés. Sur les ponts, le vent cinglait brusquement des chapeaux, que leurs possesseurs disputaient à l’espace avec ces attitudes et ces contorsions dont le spectacle est toujours si pénible pour l’artiste.
Mes idées étaient pâles et brumeuses ; la préoccupation d’un rendez-vous d’affaires, accepté, depuis la veille, me harcelait l’imagination. L’heure me pressait : je résolus de m’abriter sous l’auvent d’un portail d’où il me serait plus commode de faire signe à quelque fiacre.
À l’instant même, j’aperçus, tout justement à côté de moi, l’entrée d’un bâtiment carré, d’aspect bourgeois.
Il s’était dressé dans la brume comme une apparition de pierre, et, malgré la rigidité de son architecture, malgré la buée morne et fantastique dont il était enveloppé, je lui reconnus, tout de suite, un certain air d’hospitalité cordiale qui me rasséréna l’esprit.

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