Tales of Mystery and Imagination

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Charles Nodier: Le spectre d'Olivier

Charles Nodier
Charles Nodier by Paulin Jean


Olivier Prévillars et Baudouin Vertolon, nés tous deux dans la ville de Caen, se lièrent dès l'enfance de la plus étroite amitié. Ils étaient à-peu-près du même âge, leurs parens étaient voisins ; tout concourut à rendre durable l'amitié qu'ils avaient l'un pour l'autre.

Un jour, dans une exaltation de sentiment assez ordinaire à la première jeunesse, ils se promirent de ne jamais s'oublier, et jurèrent même que celui qui mourrait le premier, viendrait à l'instant trouver l'autre pour ne plus le quitter. Ils écrivirent et signèrent ce serment de leur propre sang.

Mais bientôt les inséparables (car c'était ainsi qu'on les avaient surnommés) se virent forcés de s'éloigner l'un de l'autre ; ils avaient alors dix-neuf ans. Olivier, qui était fils unique, resta à Caen pour seconder son père dans les soins du commerce ; Baudouin fut envoyé à Paris, pour faire son droit, parce que son père le destinait au barreau.
On se figure aisément la douleur que cette séparation causa aux deux amis. Ils se firent les plus tendres adieux, se renouvellèrent leur promesse, et écrivirent encore de leur sang un nouveau serment de se rejoindre, même après la mort, si le ciel voulait le permettre. Le lendemain Baudouin partit pour Paris.

Cinq années se passèrent dans une parfaite tranquillité ; Baudouin avait fait les plus rapides progrès dans l'étude des lois, et déjà on le comptait au nombre des jeunes avocats les plus distingués. Les deux amis entretenaient une correspondance suivie, et continuaient à se faire part de toutes leurs actions et de tous leurs sentimens. Enfin Olivier écrivit à son ami qu'il allait se marier avec la jeune Apolline de Lalonde ; que ce mariage le mettait au comble de ses voeux ; qu'il avait besoin de faire un voyage à Paris, pour y prendre quelques papiers importans, et qu'il aurait le bonheur d'emmener à Caen son cher Baudouin, pour le rendre témoin de son hymen.
Il annonçait qu'il arriverait sous peu de jours à Paris, par la voiture publique.


Baudouin, charmé de l'espoir de revoir bientôt Olivier, se rendit au jour marqué à la voiture, mais il n'y trouva point son ami ; un jour, deux jours se passèrent de même ; enfin le quatrième jour, Baudouin alla assez loin sur la route de Caen, au devant de la diligence. Il la rencontra enfin ; et quand il fut à une distance convenable, il vit bien distinctement à la portière, Olivier, extrêmement pâle, vêtu d'un habit de drap vert, orné d'une petite tresse d'or, un chapeau bordé était rabattu sur ses yeux. La voiture passa fort vite ; mais Baudouin entendit Olivier lui dire, en le saluant de la main : «Tu me trouveras chez toi.»
Le jeune avocat suivit la voiture et arriva au bureau peu de temps après. N'y trouvant point Olivier, il demanda aux voyageurs où était le jeune homme qui l'avait salué sur la route et qui lui avait parlé ; mais personne ne put rien comprendre à ses questions : en vain il désigna la figure et l'habillement de celui qu'il cherchait ; on n'avait point vu dans la voiture d'homme en habit vert. Le conducteur de la diligence s'informa du nom de celui qu'on demandait ; ayant entendu nommer Olivier Prévillars, il répondit qu'il n'était pas sur sa liste ; mais qu'il le connaissait très-bien, que c'était le jeune homme le plus aimable de Caen ; qu'il l'avait laissé en bonne santé et qu'il arriverait à Paris, dans trois jours au plus tard.

Après ces éclaircissemens, Baudouin se retira, ne sachant que penser de son aventure. En rentrant chez lui il demanda à son domestique si personne n'était venu ; le domestique répondit que non. Alors Baudouin entra seul dans sa chambre, un flambeau à la main, car il commençait à faire nuit.
Après qu'il eut fermé la porte, il aperçut auprès de la cheminée, l'homme habillé de vert ; il était assis et on ne pouvait voir sa figure.
Baudouin approche et dirige son flambeau sur l'inconnu, qui, levant soudain un oeil fixe, et découvrant sa poitrine percée de vingt coups de poignards, lui dit d'une voix sombre : «C'est moi, Baudouin, c'est ton ami Olivier, qui fidèle à son serment...» A ces mots, Baudouin jette un cri et tombe évanoui. Le domestique accourt au bruit de sa chute, et le fait revenir à force de soins. En rouvrant les yeux, Baudouin aperçoit encore Olivier et le montre à son valet ; celui-ci dit qu'il ne voit personne. Baudouin lui ordonne de s'asseoir sur la chaise où Olivier est assis ; le domestique obéit comme s'il n'y avait personne sur ce siége, et l'ombre semble y demeurer encore... Alors Baudouin entièrement revenu à lui, renvoie son valet, et s'approchant d'Olivier : «Pardonne, ô mon ami, lui dit-il, si je n'ai pas été maître de mon saisissement, à ton apparition subite et imprévue.» Olivier, se levant alors, lui répondit :
«As-tu donc oublié le serment de l'amitié, ou l'aurais-tu regardé comme frivole ? Non, Baudouin, ce serment sacré fut écrit et ratifié dans le ciel, qui me permet de le remplir. Je ne suis plus, ô mon cher Baudouin ; un crime abominable a séparé mon âme des liens qui l'attachaient à mon corps. Que ma présence cesse d'être un motif d'épouvante pour toi. Le jour, la nuit, à toute heure, en tous lieux, l'âme d'Olivier sera la compagne fidelle du vertueux Baudouin. Elle sera son guide, son appui et son intermédiaire entre le créateur et lui. Mais ce dieu qui protège la vertu, ne veut pas que le crime demeure impuni. Celui dont je suis la victime crie vengeance. Mon sang qui fume encore est monté avec mon âme jusqu'au trône de l'éternel.
C'est lui qui a ratifié notre serment, et c'est lui qui t'a choisi pour être mon vengeur. Partons.»

Baudouin resta quelques momens sans répondre ; la pâleur du fantôme, son immobilité pétrifiante, son oeil fixe et mort, sa poitrine criblée de coups de poignard, son accent sépulchral ; tout son aspect enfin inspirait la terreur ; et le jeune avocat ne pouvait s'en défendre. Mais après s'être assuré, par une courte prière, que ce qu'il voyait n'était point l'ouvrage du démon, il se résolut à suivre le fantôme, et à faire tout ce qu'il lui dirait.

En conséquence, selon l'ordre d'Olivier, Baudouin se munit de quelque argent, courut louer une chaise de poste, et suivi de son domestique, il partit à l'heure même pour Caen. Le domestique courait à cheval derrière la chaise, et le fantôme avait pris place dedans, toujours invisible pour tout autre que Baudouin.

Pendant le voyage, Olivier s'entretenait avec son ami, dont il devinait les plus secrètes pensées ; il répondait aux objections qu'il se faisait intérieurement sur cet étonnant prodige, il le rassurait, et l'invitait à le regarder comme un gardien fidèle et sûr. Enfin il parvint à bannir l'effroi que sa présence lui avait inspirée d'abord.

En arrivant à Caen, Baudouin fut reçu avec transport par sa famille, déjà fière de ses talens ; comme il était un peu tard, on remit au lendemain les éclaircissemens et les questions ; Baudouin se retira dans sa chambre ; et Olivier l'engagea à se reposer, en lui disant qu'il allait profiter de son sommeil pour lui expliquer le complot dont il avait été victime. Baudouin s'endormit, et voici ce que l'âme d'Olivier lui fit entendre.
»Tu connus avant ton départ la belle Appolline de Lalonde, qui n'avait alors que quatorze ans. Le même trait nous blessa tous les deux ; mais voyant à quel point j'étais épris d'Appolline, tu combattis ton amour, et gardant le silence sur tes sentimens, tu partis en préférant à tout, notre amitié. Les années s'écoulèrent, je fus aimé, et j'allais devenir l'heureux époux d'Appolline, lorsqu'hier, au moment où j'allais partir pour te ramener à Caen, je fus assassiné par Lalonde, l'indigne frère d'Appoline, et par l'infâme Piétreville, qui prétendait à sa main. Les monstres m'invitèrent au moment de mon départ à une petite fête, qui devait se donner à Colombelle ; ils me proposèrent ensuite de me reconduire à quelque distance. Nous partîmes, et je ne suis plus au nombre des vivans. C'est à la même heure où tu m'aperçus sur la route, que ces malheureux venaient de m'assassiner de la manière la plus atroce.

»Voici ce que tu dois faire pour me venger. Demain, rends-toi chez mes parens, et ensuite chez ceux d'Appoline ; invite-les, ainsi que Piétreville à une fête, que tu donneras pour célébrer ton retour. Le lieu sera Colombelle, tu obtiendras leur consentement pour après-demain, et tu affecteras la plus grande gaîté. Je t'instruirai plus tard de tout le reste.»

L'ombre se tut. Baudouin dormit du sommeil le plus tranquille ; et le lendemain il exécuta le plan tracé par Olivier. Tout le monde consentit à sa demande, et on se rendit à Colombelle. Les convives étaient au nombre de trente. Le repas fut splendide et gai ; Piétreville et Lalonde paraissaient s'amuser beaucoup. Baudouin seul était dans l'anxiété, ne recevant aucun ordre de l'ombre, toujours présente à ses yeux.
Au dessert, Lalonde se leva, et réclama le silence pour lire une lettre cachetée qu'Olivier lui avait remise, disait-il, devant Piétreville, le jour de son départ, avec injonction de ne l'ouvrir que trois jours après et en présence de témoins. Voici ce qu'elle contenait :

«Au moment de partir, peut-être pour ne jamais revenir dans ma patrie, il faut, mon cher Lalonde, que je m'ouvre à toi sur la vraie cause de mon départ.

»Il m'eut été doux de te nommer mon frère, mais j'ai fait il y a peu de jours, la conquête d'une jeune personne, vers qui je me sens entraîné par un attrait invincible ; c'est elle que je vais rejoindre à Paris, pour la suivre où l'amour nous conduira. Présente mes excuses à ta soeur dont je me reconnais indigne. Sa vengeance est dans ses mains : j'ai entrevu que Piétreville l'aimait ; il la mérite mieux que moi.

OLIVIER.»

Tout le monde resta muet et interdit à cette lecture. Baudouin vit Olivier s'agiter violemment. La lettre passa de main en main ; chacun reconnut l'écriture et le seing d'Olivier. Baudouin voulut s'en assurer à son tour ; mais la lettre lui fut arrachée des mains ; elle se soutint quelques momens en l'air et prit la route du jardin... L'ombre fit signe à Baudouin de la suivre ; il courut après, guidé par Olivier. Toute la compagnie les suivit, et l'on retrouva la lettre au pied d'un gros arbre, assez éloigné de l'endroit de la fête, à l'entrée d'un grand bois, et sur un tas de pierres amoncelées. Baudouin se saisit de la lettre en s'écriant : Que signifie ce mystère ? essayons de le pénétrer, faisons disparaître ces pierres et voyons ce qu'elles peuvent couvrir ?
Lalonde et Piétreville éclatèrent de rire, et dirent à la compagnie de ne pas se déranger pour une feuille de papier poussée par le vent.
Baudouin insista, et saisissant les deux coupables qui cherchaient à s'éloigner, il les ramena au pied de l'arbre. Là, suppliant quelques jeunes gens de le seconder et de l'aider à les retenir, il fit découvrir le tas de pierres sous lequel on trouva la terre fraîchement remuée.
Tout le monde surpris, partagea l'impatience de Baudouin ; on courut chercher des instrumens ; on retint fortement Lalonde et Piétreville qui blasphémaient et accablaient Baudouin d'imprécations. On ouvrit la terre et l'on vit le cadavre d'Olivier, vêtu d'un habit vert et percé de vingt coups de couteau. Tous les assistans furent glacés d'horreur ; le père d'Olivier s'évanouit, et Baudouin s'écria d'une voix forte :»Voilà le crime et voici les assassins. Secourez ce père infortuné. Qu'on porte ce cadavre devant les juges ; et que Lalonde, Piétreville et moi, soyons sur-le-champ conduits dans les prisons.»

On exécuta tout ce que Baudouin avait demandé ; la justice se saisit de cette affaire, et le procès s'entama dès le lendemain. Les formalités préliminaires furent bientôt remplies ; le jour de la discussion arriva.
Les magistrats s'assemblèrent ; l'accusateur et les accusés se trouvèrent en présence, mais il n'y avait point d'autre témoin que le cadavre du malheureux Olivier, étendu sur une table au milieu de la salle d'audience, et tel qu'il avait été retiré de terre. L'interrogatoire commença. Baudouin répéta avec fermeté son accusation : les deux criminels, certains qu'on ne peut produire ni preuves, ni témoins contr'eux, nient le forfait avec audace. Ils accusent à leur tour Baudouin comme calomniateur, et appellent sur lui la rigueur des lois.
La foule immense qui remplit la salle, attend avec impatience, l'éclaircissement de ces singuliers débats. Enfin Baudouin, pressé par le président, de présenter au tribunal les témoins et les preuves du crime, reprend la parole ; il invoque l'ombre d'Olivier, il montre le cadavre sanglant, et cherche par cette preuve à faire trembler les assassins ; mais dénué de témoignage, il sent qu'un miracle seul peut éclairer les juges. Il s'adresse donc avec confiance à l'être suprême, et lui demande qu'il permette que la mort abandonne un moment ses droits : «Grand Dieu, ressuscite un instant Olivier, s'écrie-t-il, et daigne mettre ta parole dans sa bouche.»

Le silence le plus profond succéda à cette étrange évocation, les yeux se fixèrent sur le cadavre ; et chacun adoptant ou repoussant l'idée d'un miracle, attendait l'effet de ce moyen extraordinaire. Les accusés pâles et interdits paraissaient perdre de leur fermeté. Baudouin seul restait calme et serein. Mais tout-à-coup, ô prodige ! le visage pâle et verdâtre d'Olivier reprend quelque couleur, ses lèvres se raniment, ses yeux se rouvrent, son sang se réchauffe, et s'élance par jets sur les deux assassins, qui poussent des cris affreux, et tout couverts de ce sang accusateur, entrent dans des convulsions horribles auxquelles succèdent un froid engourdissement. Cependant le corps d'Olivier est entièrement ranimé ; il se lève sur son séant, tourne les yeux sur l'assemblée, comme quelqu'un qui sort d'un profond sommeil, et qui cherche à rappeler ses idées. Ses yeux rencontrèrent ceux de Baudouin ; et sa bouche sourit d'un air mélancolique ; puis, tournant ses regards sur les deux criminels, il s'agite avec fureur, et un long gémissement s'échappe de sa poitrine déchirée. Il parle enfin, et d'une voix sonore, il annonce que Dieu lui permet de confondre les coupables ; il dévoile leurs complots, il raconte comment ils l'ont assassiné, après avoir entrepris vainement de lui faire signer la fausse lettre.
Il fait connaître tous les détails du crime, de quelle manière Baudouin en a été instruit, et comment, guidé par lui-même, il est parvenu à mettre au jour le forfait.

»Il est encore d'autres témoins, dit-il en étendant le bras vers les juges ; voyez cette main déchirée, et les cheveux qu'elle renferme ; ce sont ceux du barbare Lalonde. Lorsque ces deux tigres me traînaient expirant, au pied de l'arbre, où ils se proposaient de cacher mon cadavre, la nature faisant en moi un dernier effort, se ranima un moment, je saisis d'une main les cheveux de Lalonde, et de l'autre, le bras de Piétreville, où mes doigts s'enfoncèrent tellement que le scélérat en porte encore la marque terrible ; pour Lalonde, voyant qu'aucune puissance ne pouvait me faire lâcher ses cheveux, il pria son ami de les lui couper avec des ciseaux qu'il portait sur lui. Baudouin, approche ; c'est à toi que je remets ces témoins muets. Non contens de ce meurtre abominable, les lâches se sont encore emparés de l'argent que je portais et de quatre médailles ; ils en ont chacun deux sur eux en ce moment.»

»Voilà, juges et concitoyens, ce que j'avais à dire. La mort redemande sa proie ; la nature ne peut souffrir plus long-temps que son ordre soit troublé. Mon corps va se rendre au néant et mon âme à sa destination.»

A mesure qu'Olivier prononçait ces derniers mots d'une voix faible et languissante, on voyait son corps se flétrir, son visage se décolorer, son oeil s'éteindre ; il retomba enfin dans l'état de mort, dont une main puissante venait de le retirer. Un engourdissement profond, une froide stupeur s'étaient emparés de l'assemblée à la vue de ce prodige ; mais bientôt des cris d'indignation succédèrent au plus morne silence. Tous les indices donnés par Olivier, furent vérifiés et trouvés véritables.
Les scélérats furent condamnés au dernier supplice, et traînés sur l'échafaud, où ils expirèrent chargés de malédictions.

Olivier vengé, apparut à Baudouin, sous la forme aérienne que nous donnons aux anges de lumière. Il engagea son ami à épouser la charmante Appolline ; et le vengeur d'Olivier devint aisément son successeur.
Le père d'Appolline mourut de chagrin d'avoir vu son fils monter sur l'échafaud. Sa mort laissa sa fille libre de contracter un mariage auquel ses autres parens l'engageaient vivement. Les deux époux vinrent s'établir à Paris ; leur union fut heureuse, et Olivier, sans cesse présent aux yeux de Baudouin, lui servit de guide jusqu'à la mort.

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